Au théâtre (encore) ce soir !

8 juin 2021

Six personnages en quête d’auteur est une pièce de Luigi Pirandello, écrite il y a tout juste 100 ans, en pleine pandémie de grippe espagnole, en Italie. La pièce, huée par une partie du public lors de sa première représentation à Rome, raconte comment un groupe de six personnages de théâtre cherche à jouer le drame qui les lie.

Ces derniers arrivent sur une scène où un groupe de « vrais » acteurs est en pleine répétition d’une pièce de… Pirandello ; de fait, cette pièce est elle-même écrite par l’auteur (le vrai), ce qui bouscule le public : regarde-t-il la réalité ou une interprétation ? Pirandello ne cesse de perdre le spectateur entre réalité et fiction : il travaille de façon permanente le jeu, les fonctions, et l’aspect double-identitaire des personnages. Dans la pièce, le metteur en scène (le faux) rêve de se voir un jour devenir vrai auteur ; ses acteurs (les vrais) cherchent à s’approprier les rôles du drame des six personnages (fictifs mais pourtant bien présents), ce qui les rend aussi spectateur de leur propre histoire. Le spectateur – et peut-être le lecteur de ces lignes – se voit perdu entre la fiction et la réalité de chaque comédien ou personnages. La confusion créée par Emmanuel Demarcy-Mota – directeur du Théâtre de la Ville et metteur en scène – est à la fois troublante et fascinante, oscillant sans cesse entre fantastique et tragique, poésie et comédie. La frontière entre réel et imaginaire est résolument poreuse.

L’aspect tragique est accentué par les costumes, très sombres, et une vague lumière blanchâtre pâlit les personnages qui deviennent fantomatiques. Cette pièce, miroir incessant, pousse le public à une réflexion sans fin. Dans ce lieu théâtral, tout est possible : inceste dévoilé, coups de feu – tentatives de suicide et de meurtre –, mort violente d’une pauvre enfant.

D’un point de vue théâtral et littéraire, la pièce perd le public dans ses propres interprétations, avec un suspense permanent. L’alternance entre irréel et réel, et certaines scènes inquiétantes voire dérangeantes, pèsent sur le spectateur. La force de la pièce est de parvenir à transporter le spectateur jusqu’à le perdre lui-même dans ses propres pensées.

Athénaïs Téqui, 2e4, pour les quelques élèves de 1re56 et 2e4 qui ont eu la chance de se rendre encore au Théâtre de la Ville, le 1er juin dernier !